Texte publié dans l'Édition spéciale du Magazine entreprendre, Vol 24, numéro 1, décembre 2011
Si placé devant un étranger à qui il m’est demandé
d’expliquer ce que le développement durable signifie, les seuls mots enseigner, apprendre et négocier
seraient presque suffisants pour expliquer le concept. Par cette affirmation,
je risque une conviction: celle selon laquelle le développement durable fait
d’abord appel à un processus, un échange ou un dialogue entre des parties
prenantes qui chacune, en choisissant de discuter, acceptent implicitement
d’apprendre les unes des autres. Un processus donc bien plus qu’une vérité à
agiter comme unique solution. Voilà ce qu’est pour moi le développement
durable.
Je m’élève donc contre ceux qui seul dans leur salon et avec
autorité évoquent le principe du développement durable pour justifier leur
opinion. Au contraire, choisir le développement durable, c’est choisir de se
frotter au réel, à l’économie, aux élus, aux communautés locales et autochtones
et bien sûr, à la science. En somme, pour moi, associer le principe de
développement durable à une forme de nouvelle méthode scientifique relève de
l’erreur.
La méthode scientifique, dans le respect des hypothèses et des
marges d’erreur statistique, fournit des réponses et souvent de nouvelles
questions. Mais l’artisan du développement durable va plus loin, il engage un
dialogue sur la pertinence de son savoir. Par exemple, lorsqu’il conduit une
expérience, il acceptera de reconnaître que le choix des indicateurs requis
pour mesurer l’impact de celle-ci est un exercice fort risqué, du point de vue
de la gestion des écosystèmes, souvent même dangereux. Le cas classique de la
renaissance d’une espèce au profit d’une perte de biodiversité est un bel
exemple qui illustre la complexité de l’exercice. Du point de vue de l’espèce,
il y a un gain, du point de vue du développement durable, il y peut y avoir une
perte. Ainsi, l’angle duquel nous regardons ce qui nous semble à première vue une
vérité sera toujours déterminant dans notre compréhension d’un phénomène. Ceux
qui le reconnaissent font preuve de sagesse.
Accepter le développement durable, c’est donc accepter de
rentrer dans l’inconnu et de travailler à mettre en œuvre des solutions qui
demandent à être trouvées et de répondre à la question que faut-il développer
et que faut-il protéger. Un gestionnaire sera requis pour mettre en œuvre des
solutions qui existent, un leader sera requis pour en découvrir de nouvelles.
Cette association entre leadership et développement durable
est d’ailleurs celle qui me fascine dans l’étude du développement durable.
Imaginez combien le Québec serait différent si le Bureau d’audience publique
l’environnement (BAPE) fondé en 1978 n’existait pas. En décidant de soumettre
des projets majeurs à l’œil du public, le gouvernement de l’époque a fait
preuve de grand leadership. Il a même selon moi posé le plus grand geste de
développement durable jamais posé au Québec. Plutôt que d’offrir une réponse
sur la pertinence de chacun de projets, le gouvernement a fait le choix de
partager son autorité et a offert aux citoyens un processus indépendant à
travers lequel ils peuvent participer directement à la décision. Génial! L’à-propos
de cette institution bien de chez nous devrait d’ailleurs nous convaincre de la
futilité des arguments de ceux qui opposent développement durable et développement
économique.
Accepter de plonger dans des zones de tension, définir des
environnement à l’intérieur desquels les parties prenantes peuvent dialoguer
véritablement, orchestrer les conflits, voilà certaines des qualité
fondamentales du leader qui s’emploi à mettre en œuvre le principe du développement
durable.
En conclusion, il n’a y pas de développement durable sans
leadership. Ceux qui acceptent cette règle se tiendront loin des sondages et de
la démagogie, ils ne craindront pas la tempête. Et comme plus grand service à
la société québécoise, ils feront la démonstration que les artisans du
développement durable ne sont pas les emmerdeurs que certains aiment pourfendre.