lundi 5 décembre 2011

Seule notre capacité à aprendre définira notre acapacité à nous développer de façon durable

Texte publié dans l'Édition spéciale du Magazine entreprendre, Vol 24, numéro 1, décembre 2011


Si placé devant un étranger à qui il m’est demandé d’expliquer ce que le développement durable signifie, les seuls mots enseigner, apprendre et négocier seraient presque suffisants pour expliquer le concept. Par cette affirmation, je risque une conviction: celle selon laquelle le développement durable fait d’abord appel à un processus, un échange ou un dialogue entre des parties prenantes qui chacune, en choisissant de discuter, acceptent implicitement d’apprendre les unes des autres. Un processus donc bien plus qu’une vérité à agiter comme unique solution. Voilà ce qu’est pour moi le développement durable.

Je m’élève donc contre ceux qui seul dans leur salon et avec autorité évoquent le principe du développement durable pour justifier leur opinion. Au contraire, choisir le développement durable, c’est choisir de se frotter au réel, à l’économie, aux élus, aux communautés locales et autochtones et bien sûr, à la science. En somme, pour moi, associer le principe de développement durable à une forme de nouvelle méthode scientifique relève de l’erreur.

La méthode scientifique, dans le respect des hypothèses et des marges d’erreur statistique, fournit des réponses et souvent de nouvelles questions. Mais l’artisan du développement durable va plus loin, il engage un dialogue sur la pertinence de son savoir. Par exemple, lorsqu’il conduit une expérience, il acceptera de reconnaître que le choix des indicateurs requis pour mesurer l’impact de celle-ci est un exercice fort risqué, du point de vue de la gestion des écosystèmes, souvent même dangereux. Le cas classique de la renaissance d’une espèce au profit d’une perte de biodiversité est un bel exemple qui illustre la complexité de l’exercice. Du point de vue de l’espèce, il y a un gain, du point de vue du développement durable, il y peut y avoir une perte. Ainsi, l’angle duquel nous regardons ce qui nous semble à première vue une vérité sera toujours déterminant dans notre compréhension d’un phénomène. Ceux qui le reconnaissent font preuve de sagesse.

Accepter le développement durable, c’est donc accepter de rentrer dans l’inconnu et de travailler à mettre en œuvre des solutions qui demandent à être trouvées et de répondre à la question que faut-il développer et que faut-il protéger. Un gestionnaire sera requis pour mettre en œuvre des solutions qui existent, un leader sera requis pour en découvrir de nouvelles.

Cette association entre leadership et développement durable est d’ailleurs celle qui me fascine dans l’étude du développement durable. Imaginez combien le Québec serait différent si le Bureau d’audience publique l’environnement (BAPE) fondé en 1978 n’existait pas. En décidant de soumettre des projets majeurs à l’œil du public, le gouvernement de l’époque a fait preuve de grand leadership. Il a même selon moi posé le plus grand geste de développement durable jamais posé au Québec. Plutôt que d’offrir une réponse sur la pertinence de chacun de projets, le gouvernement a fait le choix de partager son autorité et a offert aux citoyens un processus indépendant à travers lequel ils peuvent participer directement à la décision. Génial! L’à-propos de cette institution bien de chez nous devrait d’ailleurs nous convaincre de la futilité des arguments de ceux qui opposent développement durable et développement économique.

Accepter de plonger dans des zones de tension, définir des environnement à l’intérieur desquels les parties prenantes peuvent dialoguer véritablement, orchestrer les conflits, voilà certaines des qualité fondamentales du leader qui s’emploi à mettre en œuvre le principe du développement durable.

En conclusion, il n’a y pas de développement durable sans leadership. Ceux qui acceptent cette règle se tiendront loin des sondages et de la démagogie, ils ne craindront pas la tempête. Et comme plus grand service à la société québécoise, ils feront la démonstration que les artisans du développement durable ne sont pas les emmerdeurs que certains aiment pourfendre.